Un dispositif d’évaluation professionnelle peut-il être jugé illicite ?

Soft skills : ce que la loi autorise… et ce qu’elle interdit désormais

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 octobre 2025 [[Cass. soc., 15 oct. 2025, n°22-20.716]] marque un tournant pour les professionnels RH. La Haute juridiction y rappelle avec fermeté que l’évaluation des salariés ne peut s’appuyer que sur des critères précis, objectifs et directement liés à l’activité professionnelle. Lorsque l’employeur utilise des notions subjectives ou moralisatrices, telles que « optimisme », « honnêteté » ou « bon sens », c’est l’ensemble du dispositif qui devient illicite. Cet arrêt, promis à une large publication, impose une révision attentive des pratiques d’évaluation interne, dans un contexte où les “soft skills” occupent une place croissante.

December 1, 2025

L’arrêt qui oblige toutes les entreprises à revoir leurs critères dévaluation de salariés

Pourquoi cet arrêt concerne directement les professionnels RH

L’évaluation annuelle, la gestion des compétences et les référentiels comportementaux sont aujourd’hui au cœur du pilotage RH. Leur généralisation dans les entreprises s’est accompagnée d’une montée en puissance de critères comportementaux, souvent inspirés des modèles managériaux anglo-saxons.

Mais cette décision rappelle un principe fondamental : l’évaluation professionnelle n’est pas un jugement moral, encore moins psychologique.

Les articles [[L.1121-1]], [[L.1222-2]] et [[L.1222-3 du Code du travail]] imposent une exigence :

  • des critères objectifs,
  • définis de manière précise,
  • et en lien direct avec les compétences réellement exigées par le poste.

Dès qu’un critère s’éloigne de ce cadre, la méthode d’évaluation devient illicite.

Ce qui a déclenché le litige : des critères vagues et moralisants

Dans l’affaire tranchée le 15 octobre 2025, l’employeur avait mis en place une grille d’entretien comprenant une rubrique « compétences comportementales groupe ».

Les salariés y étaient évalués sur :

  • leur « optimisme »,
  • leur « honnêteté »,
  • leur « bon sens ».

Ces notions figuraient sous les items « engagement » et « avec simplicité ».

Pour les juges, ces termes présentent plusieurs défauts majeurs :

  • ils sont impossibles à mesurer ;
  • ils renvoient à la personnalité, non à la compétence ;
  • ils induisent une appréciation morale du salarié ;
  • ils ouvrent la porte à une subjectivité totale de l’évaluateur.

La Cour confirme que ces critères ne permettent pas une évaluation objective et qu’ils s’éloignent de la finalité même de l’entretien : la mesure des compétences professionnelles.

Pourquoi l’ensemble du dispositif a été déclaré illicite

L’employeur soutenait que seule la partie comportementale devait être censurée. La Cour rejette l’argument pour une raison essentielle :

👉 les critères litigieux n’étaient pas accessoires, mais centraux dans le système d’évaluation.

Les juges constatent :

  • une abondance de critères comportementaux,
  • l’absence d’indication sur leur pondération,
  • l’impossibilité pour le salarié de comprendre comment il est réellement évalué,
  • un risque d’arbitraire incompatible avec le cadre légal.

Conséquence :
➡️ l’ensemble du dispositif est interdit.

Cet effet domino est un message clair pour les RH : lorsqu’un critère essentiel est illicite, tout l’outil peut tomber.

Évaluer les “soft skills” reste possible, mais encadré

Contrairement à ce que certains pourraient croire, la Cour ne prohibe pas l’évaluation des comportements professionnels.

Il est tout à fait licite d’évaluer :

  • l’adaptabilité,
  • la communication,
  • la capacité à travailler en équipe,
  • la gestion des priorités,
  • la contribution à la résolution des problèmes.

Mais trois conditions doivent être strictement respectées.

Des critères définis clairement

Exemple :

  • ❌ “Honnêteté” → trop moral
  • ✔ “Respecte les règles internes de signalement des anomalies”

Des critères objectivement appréciables

Exemples licites :

  • “Transmet les informations nécessaires dans les délais prévus”
  • “Suit les procédures de sécurité sans rappel”

Des critères en lien direct avec le poste

L’employeur doit être en mesure d’expliquer :
➡️ en quoi ce critère est nécessaire à la fonction.

Si ce lien n’est pas évident, le critère doit être abandonné.

Ce que les RH doivent faire dès maintenant

L’arrêt impose une vigilance immédiate. Voici les actions incontournables pour demeurer conforme.

1. Auditer les outils d’évaluation

À vérifier :

  • grilles d’entretien annuel,
  • référentiels internes,
  • solutions numériques RH,
  • matrices de “soft skills”.

Tous les termes flous, moralisants ou non mesurables doivent être supprimés.

2. Revoir la formulation des critères

Le passage d’un critère psychologique à un critère observable et professionnel suffit souvent à sécuriser l’outil.

3. Former les managers

L’évaluation est un acte juridique autant que managérial.
La subjectivité d’un manager mal formé peut rendre le dispositif illicite.

4. Informer et consulter le CSE

L’article [[L.1222-2 du Code du travail]] impose une information préalable du CSE en cas de modification de la méthode d’évaluation.
Oublier cette étape fragilise le dispositif.

5. Documenter le lien poste → critère

Chaque critère doit pouvoir être justifié par les exigences du poste.
À défaut, sa légalité ne peut être garantie.

Une tendance de fond : vers la fin des “évaluations morales”

Depuis plusieurs années, la Cour de cassation renforce la protection du salarié contre :

  • les jugements de valeur,
  • les intrusions psychologiques,
  • les critères opaques ou subjectifs.

L'arrêt du 15 octobre 2025 s’inscrit dans ce mouvement.

Il réaffirme une règle simple :

👉 L’entreprise évalue la compétence, jamais la personnalité.

Ce message est crucial dans un environnement où les référentiels RH se digitalisent, où les modèles anglo-saxons sont importés sans adaptation et où la notion de “soft skills” se développe parfois sans cadre juridique.

Conclusion : un rappel salutaire pour une évaluation juste et sécurisée

Cet arrêt oblige les entreprises à reconsidérer leurs pratiques, non pour les complexifier, mais pour les rendre plus fiables, plus objectives et plus respectueuses des droits des salariés.

Pour les RH, c’est un travail d’ajustement stratégique :

  • mieux structurer les entretiens,
  • professionnaliser l’évaluation,
  • prévenir les risques contentieux,
  • garantir l’équité et la transparence.

Pour les salariés, c’est une garantie solide : celle d’être évalués sur des critères professionnels, mesurables et compréhensibles.

Pour les employeurs, c’est une opportunité de renforcer la qualité du dialogue et la crédibilité du processus d’évaluation interne.

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